Dessin de Adolphe Jourdan (1860)

Dessin de Bruguier-Roure (1875) après les modifications du tracé de la route et du pont

Le prieuré St Nicolas de Campagnac

Actuellement aucun document ne nous permet de situer avec précision la date de construction du prieuré. Nous savons qu’il est antérieur à 1156 et postérieur à 896. Les spécialistes s’accordent à dire, vu le caractère du style roman de la chapelle et de son appareillage, que le prieuré a été fondé au début du XIIème siècle.

C’est un des évêques d’Uzès qui confia à l’ordre des Augustins ce lieu perdu pour la méditation des moines. Lors de la destruction de la bégude basse (sept. 2009), on aurait retrouvé les vestiges et les traces d’une chapelle datant du IXème siècle confirmant ainsi le diplôme de 896. Cet endroit a du servir de base arrière pour la future construction du prieuré St Nicolas de Campagnac et de halte après ou avant le passage du gué.

Une série d’actes de 1188, 1230, 1290, 1292, 1295, 1314, 1316, 1319 etc.… nous renseigne sur les prieurs et les divers évènements concernant le monastère.

Dans ces chartes, l’un des premiers prieurs connus se dénomme Pons, chanoine de St Augustin. Sa signature est relevée au bas d’une transaction faite en juin 1188. Sur les chartes, on relève les noms d’autres prieurs de St Nicolas : Vidal (1207), Pierre d’Arpaillargues (1258), Raymond du Caylar, (qui, le 13 février 1290 fait hommage et prête serment à Guillaume de Gardies, évêque d’Uzès, pour tout ce qu’il possède à Aubarne), puis Michel de Cazaliers (1319), Raymond Jordan (auteur d’un livre mystique célèbre au Moyen Âge : l’Idiota sapiens), Gilles de Vignal (1470), Jean de Laudun (1472)… .

Le prieuré, bon an, mal an, va perdurer  jusqu’à la révolution de 1789. Il sera vendu comme bien national en plusieurs lots. Il va subir des transformations lors du percement de la nouvelle route de Nîmes à Uzès en 1863.

Aujourd’hui, il est cours de restauration par un particulier. Espérons que ce joyau, dans l’écrin des gorges du Gardon, revive !

 

Le pont St Nicolas de Campagnac

L’un des plus célèbres évêques d’Uzès est Pons de Becmil. Il comprit en voyant l’accroissement des liaisons entre Uzès et Nîmes qu’il était urgent de construire un pont solide, capable de résister aux assauts du Gardon. En effet, les voyageurs franchissaient le Gardon à proximité du prieuré soit par un gué qui se situait en aval du pont actuel et/ou sur un pont fragile qu’il fallait reconstruire à chaque caprice du Gardon. Cet évêque fut appelé l’”évêque du pont”, (Poncius de Ponte, acte de 1280). Cette “route” était, à cette époque (mais aussi on le verra plus tard) l’un des passages les plus redoutés du Languedoc. C’est aussi un point stratégique important pendant les périodes de troubles, notamment les guerres de religion. En période de crues voire de grandes crues, ce point de passage élévé permettait de relier la région de l’Uzège et la région nîmoise rapidement et en toute sécurité.

C’est certainement la présence de ce gué antique qui aura donné le nom de St Nicolas à ce lieu (St Nicolas,  protecteur des enfants, est d’abord le protecteur des commerçants, des voyageurs et des bateliers, il est l’alter ego de Mercure). Les travaux commencèrent en 1245 pour s’achever en 1260. Ce pont a été construit par l’une des nombreuses confréries mi-laïques, mi-religieuses (Confrérie du St Esprit). qui avaient établi leur quartier dans la seigneurie de Blauzac.

Le suivi des travaux et une partie du financement  auraient été assurés pour partie par les templiers et les moines pontifices. Le reste de l’argent nécessaire a été fourni par l’évêque lui-même, les seigneurs de la région, des aumônes et des offrandes. De plus, l’Ẻglise accordait dix jours d’indulgence à tous ceux qui travaillaient sur le pont. Les travailleurs furent souvent originaires des environs : Blauzac, Vic, Campagnac, Sanilhac. Ils obtinrent en contrepartie des indulgences, et pour certains le droit d’ensevelissement avec la coule blanche marquée du pont rouge pour linceul ainsi que la gratuité du péage du pont (L’existence de cette confrérie des moines pontifices à la coule est parfois contestée). Guillaume de St Laurent, juge-mage* d’Uzès, en 1261, décide que ceux-ci seraient exemptés du péage.

Le pont est composé de sept arches avec avant bec pour détourner les eaux. Ce pont qui a été modifié au cours des âges, représentait au niveau régional, l’un des plus beaux  pont de l’architecture du Moyen Âge. À l’extrémité du pont, en rive gauche, une tour en assurait la défense.

Le profil du pont actuel n’est pas celui de sa construction initiale. Il était “en dos d’âne”, la quatrième arche étant la plus haute. En venant de Nîmes, après avoir effectué la difficile descente, on s’engageait après un virage à droite à angle droit sur le pont. Puis, une fois la montée effectuée, il fallait redescendre en contrôlant la vitesse et la charge des chariots, pour pouvoir négocier un virage à angle droit, à droite lui aussi, et passer sous les murailles et la tour de garde du prieuré. Ensuite, on rejoignait la route principale qui menait à Uzès. Bon nombre d’accidents survenaient lors de ce passage délicat.

Le tablier du pont, au point le plus haut, se trouve à environ 27 mètres au dessus du Gardon. Divers chroniqueurs dans les années et les siècles qui suivirent, relatent les crues importantes qui passaient par-dessus le pont. Les concepteurs du pont, eux aussi avisés des crues antérieures, ont construit relativement haut mais surtout résistant. Il a résisté aux crues majeures de la rivière. Mais ce sont les hommes qui ont fragilisé ce monument. On l’a encore vu dernièrement lors de la crue mémorable de septembre 2002. Les eaux du Gardon passèrent beaucoup plus haut que le pont actuel. Son tablier d’époque récente, suite au dynamitage d’une partie du pont en 1944,  n’a pas résisté. Les piles et leur soubassement ont tenu.

Une fois le pont terminé, un péage a été perçu. Une guérite (appelée crote) avait été installée à cet effet dans la première pile du pont côté prieuré. Elle fut détruite lors des travaux de percement et d’élargissement du pont en 1863. Ce furent tout d’abord les templiers qui perçurent le péage. Philippe le Bel, roi de France (1285—1314), s‘en empara un peu plus tard.

Raymond Gaucelin, coseigneur d’Uzès, obtient en héritage la baronnie de Lunel qui contrôle la route du Languedoc.

En 1295, Philippe le Bel échange cette baronnie  contre 23 villages ou métairies situées dans le diocèse d’Uzès ainsi que le péage du Pont St Nicolas et le péage de Vers Pont-du-Gard. Les pèlerins aussi payaient la pitte  lors de leur passage (petite monnaie de cuivre qui valait une demie obole, un quart de denier).

À cette époque, Jean de Deaux, péager de son état, déclare qu’entre 1293 et 1294 vingt livres tournois avaient été collectées à ce péage. Plus tard, avec l’augmentation du trafic, certains nobles vont acheter le droit de percevoir le péage jusqu’à 500 livres tournois (28 juillet 1620).

Le prieuré et le pont : intimes

La célébrité du prieuré et du pont fut telle que, comme il a été dit plus haut, les moines Augustins de St Nicolas de Campagnac venaient en seconde place après le Chapitre de la cathédrale d’Uzès. Pendant deux siècles, les seigneurs d’Uzès demandèrent à se faire enterrer au prieuré. C’est ainsi que Raymond Gaucelin demanda par testament (30 Juin 1316) à être enseveli au monastère.

Il stipule aussi que son héritier doit fonder 4 chapellenies de 15 livres tournois de rente chacune. Il confirme la fondation de deux chapelles que son père  y avait fait ériger et donne 100 livres tournois. Il désire aussi que son héritier construise un hospice au plus près du monastère. Quarante livres tournois de rente seront attribuées à cet hospice. Cette rente sera à prendre sur les propriétés qu’il possède à Bezouce.

Et c’est le 18 mars 1321, sous le priorat de Michel de Cazaliers, que son héritier, l’évêque de Tusculum (Grand pénitencier de l’Église romaine), fit construire cet hospice pour les pèlerins. Il était situé au sud-ouest du prieuré. Aujourd’hui, on en distingue quelques ruines éparses.